— Mercure Rétrograde
Performance
« (…)Une scène a été créée dans la prairie et dessinée de lumières au milieu de l’obscurité. Matthieu Blond s’avance, son visage est peint de blanc et de noir imitation Ghost Face, il répète le tempo opéré en début d’après midi. Je vais lui piquer ce truc, je le sais, je le sens, faudra juste pas lui dire.
As blond as you want : sous titre mercure rétrograde
Pour Matthieu son histoire, enfin l’histoire qu’il veut nous raconter ce soir, prend place il y a 10 ans lors de ses études à Amsterdam, c’est là qu’il a rencontré Simon. Tout en se maquillant face au feu des projos qui doivent lui cramer les mirettes, il raconte les sempiternelles oppositions qu’on nous jouent souvent dans les écoldar mais pas que, entre perf et danse, entre un monde considéré comme réel en opposition à un monde joué, simulé. On sent bien que pour lui ça ne se passe plus là, la preuve d’ailleurs, c’était il y a 10 ans, faut suivre aussi. Mais bon ça marque, ça séquelle forcément un p’tit peu. Matthieu se prépare, il se métamorphose un peu cheapos, puis laisse la place à Tünae, alter ego Drag et championne en titre pour la déclamation de ses Astroèmes « Tu ne seras pas le roi du monde mais tu te seras bien amusée ». Rire, rire qui pique, rire aigu, rire glaçant. Puis s’ensuit une série d’incarnations diverses qui apparaissent en cascade sur la scène d’un opéra Garnier imaginaire, sous les hourras d’une foule pré enregistrée. Parmi eux, rien de moins que Beyoncé ou Anne Teresa De Keersmaeker. Une série de personnages qui glitchent ensemble, se mélangent, se contaminent et au travers desquels se dessine le questionnement du danseur autour de la copie des gestes, de qui copie qui, de qui a commencé à copier qui. On passe du corps à la voix, au rire encore de Tünae : saccadé, haletant, presque mécanique… »
→ retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch
— Journal – Hors Série – Anon (en collaboration avec Simon Asencio)
Edition performée
« (…) je me suis mis en marche vers la prairie, suivant la petite foule qui se masse doucement vers Matthieu qui nous attend, un genre de couette queen-size enroulée sous le bras droit. Il pose la couverture à sa gauche sur l’herbe, dos au vallon. La main droite posée sur sa poitrine jaune qu’il frappe d’un rythme d’abord discret puis de plus en plus ample, il frappe et sa cage thoracique devient une chambre d’écho, il frappe et ça fait papapa pan pan pan boom. Je sais pas pourquoi, ça m’a marqué, même plusieurs mois après j’repense à ce truc de rythme thoracique, cette manière simple mais si efficace de planter le décor : c’est un truc à piquer je me dis ça, je vais le piquer. Matthieu habille avec son corps un texte qu’il déroule depuis le là-dedans de sa tête, il introduit les phrases entre le crochet de ses doigts : Anon, premier chapitre d’un livre que Virginia Woolf entreprend d’écrire en 1940, six mois avant de se donner la mort. Un livre, une liste d’annotations, de recherches et de questionnements de l’autrice, rassemblées d’abord sous le nom de Reading at Random puis Turning the Page. Matthieu Blond est ici pour nous performer une édition spéciale de son Journal, cette édition est à l’invitation de Simon Asencio qui s’est donné comme consigne de collecter et de traduire des morceaux d’archives de cet ensemble écrit par Virginia Woolf. Le résultat, un fragment de ce résultat est ici face à nous et c’est Matthieu qui nous en parle, précisant que ce que nous voyons, ce que nous entendons est un travail en cours qui s’expérimente face à nous, en plein soleil, tandis qu’une autre partie de ce travail nous attend tout à l’heure, un peu plus loin dans la prairie avec Simon.
Il finit son explication, ferme les crochets de ses doigts, tourne les pages et lit.
3 octobre la vie d’un livre, prendre un livre vivant et sa trace.
Il mime, il interprète. Il lèche son index, tourne une nouvelle page.
Il ouvre complètement sa couverture, des dessins sont tracés dessus, c’est une carte composée de morceaux de feutrines cousus, j’aperçois un ensemble de roches dressées qui me font penser à Stonehenge.
Il y a toujours un enfant qui pleure ou qui parle ou qui râle, on lui sourit, l’enfant ne se calme pas, on poursuit. Je pense à Edmée qui n’est pas là et qui me manque toujours quand je ne l’ai pas avec moi. Matthieu replie sa carte, la porte sur sa tête comme une coiffe.
Quand il tourne une page, il en cite la pagination et la mime en chiffre romain avec ses doigts, le V devient un 5, lorsque le majeur s’enroule autour de l’index on entend “10” et ainsi de suite. Sa carte devient tour à tour vêtement, coiffe ou masque, il saute de part en part. Danse, tend lentement ses mains fragiles dans les airs, y ajoute de la force, les agitent fébriles, les retombent, les remontent et les perd. Il incarne la partition pensée, collectée et traduite par Simon, nous parle de choix, d’affirmation dans le transfert d’une langue à l’autre, de réfléchir depuis l’époque où la matière pour que gallery anglaise reste galerie et pas balcon. »
→ retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch