— Blue Jacket
performance
« (…) Nous nous installons en face d’une projection sur une palissade en bois, un carré de lumière bleue sous lequel deux chatons jouent à se sauter dessus en miaulant. Une vidéo démarre, des allumettes dessinées en 3D s’empilent les unes sur les autres au rythme de la musique. Une colonne sans fin qui longe les lattes de bois de la porte coulissante qui ferme la grange. Chaque allumette, en se superposant à l’autre, crée un hoquet dans la musique, tantôt nous les perdons presque de vue tant la distance parcourue semble infinie, tantôt un close up plus précis nous rebraque sur elles. Arrive Aske, dans sa blue jacket, il se tient droit, le regard dans le vide au-dessus de nous, le corps figé, statique, inflexible. Je repense à Tom qui m’avait dit avoir vu quelques trucs de Aske avant de venir et de son excitation presque en portafaux avec ma façade neutre -je ne sais rien de ce qu’il va se passer- je me demande ce que ça change au fond, de savoir ou de ne pas savoir. Je suis là, accroupie dans l’herbe humide et je fixe un mec en imper. D’autres comme moi, comme Tom, fixent également ce gars en imper, certain·e·s savent ou se doutent, d’autres non, c’est ce qu’on fait ensemble, c’est notre participation : on partage ce moment de fixage, on fixent et on ne dit rien en se bâillonnant avec nos clopes, nos verres ou nos mains. Aske reste immobile, on est toustes immobiles. Soudain, sans prévenir, ses bras se tordent, dessinent une série de gestes répétitifs, très précis dont les récurrences sont calquées sur un tempo métronomique un peu jump style. Les mouvements s’intensifient, poussent, poussent les limites de l’environnement acoustique jusqu’à le crever et que la musique s’arrête. Le silence retombe pendant quelques instants, sans aucun autre bruit que celui de sa respiration qui se contracte et s’intensifie à mesure de l’enchaînement de ses mouvements frictionnant sa blue jacket, le corps d’Aske s’épuise sans que son visage ne le trahisse. C’est beau, je sais pas ce que je fous là, j’ai froid, j’ai sommeil, mais c’est beau. »
→ retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch
— Untitled
« (…) Une scène carrée, constituée de deux plateformes jointes ensemble a été placée sur un pan incliné faisant immédiatement penser à une sorte de plongeoir. Aske arrive, comme la veille mais cette fois-ci sans son k-way bleu et puis sans musique aussi, marchant droit devant lui, fixant un point au-dessus de nos têtes, il s’installe sur la plateforme. C’est marrant de fixer au-delà de celleux qui te fixent, genre toujours un peu au-dessus de nos sommets de crânes, Valentin aussi l’avait fait la veille. C’est sans doute une histoire de concentration, de ne pas croiser un regard qui pourrait décontenancer.
Comme hier, Aske commence à opérer une série de gestes, se frappe du plat de la main tandis qu’un pas chasse sur la gauche avant de revenir se planter droit dans l’alignement du corps. Puis ses jambes se dressent l’une après l’autre à la perpendiculaire de son bassin, les bras ballants, les épaules tombantes, il avance sans avancer, comme coincé dans un pattern de jeu vidéo qui se serait mis à planter, il répète le geste, encore et encore, apportant petit à petit quelques subtiles modifications qui finissent par transformer complètement la première phrase esquissée avec son corps. Une nouvelle fois, son attitude est neutre, seule sa respiration de plus en plus forte et marquée semble le trahir et il finit, épuisé et souriant, par s’effondrer sous les applaudissements un peu plus loin dans l’herbe. »
→ retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch